"La littérature est un fleuve. A sa source, se trouvent les livres qu'a aimés un enfant." Geneviève Brisac

samedi 28 avril 2012

Pour petits (é)lecteurs en herbe

Pour tous les petits (é)lecteurs en herbe qui vous bombardent de questions sur les élections présidentielles et la politique en général, voici une sélection de 5 albums susceptibles d'éclairer leur curiosité.


Dans Votez pour moi ! de Martin Baltscheit et Marc Boutavant, ce sont les animaux qui se mettent à voter.


Et "Les élections, chez les animaux, c'est quand même moins compliqué que chez les hommes, un seul candidat, toujours le même : le Lion, toujours réélu à la majorité."



Sauf que cette année, quelqu'un revendique son droit au choix. Il s'agit d'une petite souris grise, bien décidée à battre le Lion aux élections et à devenir Reine des animaux. La bataille électorale s'annonce rude... et drôle ! Car la candidature de la souris va en susciter toute une flopée !...
Chaque espèce animale décide en effet de désigner son propre représentant. Nous découvrons alors des candidats bien différents qui défendent des valeurs souvent farfelues et en tous cas toujours très personnelles.


C'est ainsi que le candidat mouton s'écrie "Ma laine m'appartient ! Si je deviens président, finis la tonte et les tricots !" La fourmi propose de passer aux 60 heures par semaine (voire plus), le chat promet de la souris fraîche à tous les repas, le berger allemand revendique d'avantage de lois et d'ordre, quant au renard, il prône l'abolition des frontières,...




Tout le monde vote mais personne ne sort élu : chacun a choisi celui de son camp ! Sauf le lion qui s’est abstenu. C'est le chaos total : tout le monde fait ce qu’il lui plait. Au bout de plusieurs jours, la petite souris revient voir le félin et ils décident de rétablir l’ordre. Plus personne ne voulant être roi, le lion est élu... et s’entoure de ministres aux talents divers.

Une histoire pas si fictive que ça, concoctée avec beaucoup de pertinence et d'humour. Tous les partis sont figurés ici avec finesse et imagination.

Les illustrations de Marc Boutavant sont les mêmes que celles de "L'histoire du lion qui ne savait pas écrire". Il capte les expressions et les attitudes de ses personnages avec justesse, les habillant de couleurs vives, ce qui permet au petit lecteur de leur accorder toute son intention.

Martin Baltscheit et Marc Boutavant sont élus comme auteur et illustrateur les plus inspirés du moment, à l'unanimité !







Autres élections animalières anthropomorphisées, Jour de vote à Sabana de Sandrine Duma Roy et Bruno Robert.




"En période électorale, girafe, lion, éléphant, crocodile, chacun prend la pose et sert son boniment, tout comme dans une fable, débats et aventures s'en suivent ..."


Jo le Lion, roi de père en fils depuis des générations, est certain de ses compétences et ne se sent nullement menacé par les autres candidats. Fil l'éléphant, l'ami de tous, multiplie les visites de courtoisie depuis des semaines. Jipette la girafe assure qu'elle peut prévenir des dangers ...



...mais c'est Jim le crocodile qui a convaincu, en sortant la carte de la sécurité ( tiens, tiens !)
 "Je mets mes dents à votre service, je vous défendrai contre quiconque vous attaquera" vagit Jim. Des dents de crocodile pour toute promesse, quelle plaisanterie ? Et pourtant, Jim sera élu. Il s’entourera de ses frères, sœurs et cousins ...et fermera les frontières.


Heureux au début, les autres animaux prennent vite conscience des ambitions et de la soif de pouvoir du crocodile ... "Garde -toi, tant que tu vivras,  de juger des gens sur la mine" aurait conclu La Fontaine !


Un bémol cependant (et de taille à mon humble avis) : passer de l'élection au suffrage universel au totalitarisme puis à la révolution et à l'extermination des despotes (même si c'est à l'aide de champignons halucinogènes), ce n'est sans doute pas le chemin le plus simple pour donner un éclairage sur la démocratie à nos charmants bambins !















Sortir du chaos, voilà une bonne raison de se lancer en politique, non ! Dans Que le meilleur gagne ! de Zoe Figgeac, "constatant dans sa chambre, un désordre sans précédent, la petite Celma décide qu'il faut apprendre à s'organiser et pour cela, élire un président ou une présidente !"



Pas une minute à perdre. la petite fille au caractère bien trempé et son ami Luis le crocodile se lancent en campagne. Comment ranger les jouets ? Celma propose de le faire par ordre alphabétique, alors que Luis préfère faire un bon gros tas !



Après le programme, la campagne : les deux candidats collent des affiches, font des discours et finissent par voter, en faisant respecter les règles du scrutin.
Tout est fait avec beaucoup de sérieux ...enfin presque !

Dans ce nouvel album de la collection Luis et moi, on retrouve la petite fille et son croco dans une histoire qui expose très clairement toutes les étapes d'une élection.
Les illustrations (qui ne sont pas sans rappeler celles de Rita et Machin) sont sobres, la mise en page épurée : crayonné noir sur fond blanc, réhaussé par quelques touches de rouge. Elles regorgent de comique de situation soulignant l'humour avec lequel le sujet est abordé.

Cette initiation au sens civique, sur un thème qui leur est familier, parlera sans aucun doute aux enfants, en cette période électorale.







Si un enfant était président, le monde serait sans doute plus beau et plus rigolo. C'est ce qu'ont imaginé Catherine Leblanc et Roland Garrique dans "Ah, si j'étais président !"





Un petit garçon se prend à rêver : "Ah, si j'étais président de la République ...". Vêtu d'un costume trop grand pour lui, le petit candidat dévoile son programme :

En ce qui concerne l'éducation, le constat est sévère et le renvoi de tous les parents à l'école préconnisé; en matière de logement, construction de cabanes pour tous dans les arbres le long des avenues. Côté aménagement du territoire, les jardins envahissent les villes, ainsi que les piscines, les fêtes forraines ...A la défense, armement des soldats de pistolets à eau et batailles de polochons (le reste du temps, ils proméneraient les enfants et les grand-mères) ...



Dans un album résolument humoristique, les illustrations, proches de la bande dessinée sont irréstistibles. Chaque double page illustre un fantasme enfantin jusqu'à la surprise finale qui permet au jeune lecteur de coller sa photo, dessiner son équipe gouvernementale ou d'écrire son propre programme.







Allez, vous savez pour qui voter maintenant !!!







Eloignons-nous un moment des "élections présidentielles" à proprement parler, pour éveiller (ou réveiller) des consciences citoyennes et pour  donner aux jeunes lecteurs matière à réflexions quant à l'importance de la démocratie, à travers un album profondément engagé, co-édité par Amnesty : Il n'y a pas si longtemps de Thierry Lenain et Olivier Balez.


Un album qui montre aux enfants que les droits qu'ils croient aller de soi, n'ont pas toujours existé. "Ce n'était pas ailleurs, il y a des siècles. C'était en France, il n'y a pas si longtemps ..."

Une des grandes forces de ce texte est qu'il place les personnages dans un contexte familial générationnel. Les enfants s'identifient , associent à l'Histoire des repères affectifs bien plus évocateurs pour eux que des dates sur une frise chronologique.

Le narrateur (d'une cinquantaine d'années) commence donc par nous présenter sa famille : ses grands-parents, ses parents et ses enfants. Puis des années 40 à nos jours, il place chacun dans un quotidien caractéristique de sa génération et nous raconte ce que faisaient ou ne pouvaient pas faire les membres de sa famille, (bien souvent selon qu'ils étaient des hommes ou des femmes).

Ainsi on apprend que ses grands-mères n'avaient pas le droit de vote.



"Ma mère et mon père sont nés le même jour. Un jour où les gens votaient. Enfin, pas tous les gens ... Mes grands-mères, par exemple, n'ont pas voté. Pas parce qu'elles accouchaient : parcequ'elles étaient des femmes. Quand mon père et ma mère sont venus au monde, les femmes n'avaient pas le droit de voter.
Ce n'était pas ailleurs, il y a des siècles. C'était en France, il n'y a pas si longtemps ..."




Du temps de ses parents, l'école n'était pas mixte et on pouvait y pratiquer des chatiments corporels ou des humiliations. Sa mère ne portait jamais de pantalon et ses jupes devaient descendre sous les genoux. Elle ne pouvait pas disposer de sa vie (travailler, ouvrir un compte en banque,...) sans l'autorisation de son mari. L'avortement était interdit.



Quand le narrateur était enfant, la peine de mort était toujours appliquée.
Les illustrations sont à l'image du texte, sans concession, simples et percutantes, destinées à interpeller les enfants comme les adultes; à l'instar de cette enfilade de guillotines en noir et rouge, devant lesquelles se trouvent un panier en osier recueillant les têtes, et rappelant que la mort pouvait sévir en série , de façon mécanique et selon le refrain lancinant adopté depuis le début du livre : "Ce n'était pas ailleurs, il y a des siècles. C'était en France, il n'y a pas si longtemps ..."


Ses enfants, eux, ont bien sûr plus de liberté mais il convient de rester vigilants car rien n'est jamais figé dans un sens comme dans l'autre. Par ailleurs, de nos jours, en France, des droits et des libertés restent encore à consolider ou à acquérir. Et si d'autres pays n'en sont pas encore là, tous les espoirs sont permis car "En France, il n'y a pas si longtemps  ..."


La citation du sous-commandant Marcos, choisie en guise d'exergue de l'album prend alors tout son sens "Appliquez-vous en histoire. Sans elle, tout est inutile et dépourvu de sens."


En vous parlant de cet album, j'ai une pensée particulière pour une petite militante en herbe, toujours prête à s'indigner des injustices et qui fête ses 9 ans aujourd'hui, ainsi que pour mon petit garçon qui lui souffle ses 3 bougies ...ce livre est un message d'espoir pour celles et ceux qui feront l'avenir de demain.








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